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Une réalité virtuelle bien réelle

Qu'est-ce que la VR ? Sous cet acronyme qui désigne "virtual reality" se cache un procédé mettant en jeu une grosse paire de lunettes munie d'un écran pour chaque oeil, le tout connecté à un puissant ordinateur capable de générer un flux à 90 images par seconde de sorte à produire une animation fluide d'images en fonction de la direction de son regard sur une scène vidéo de 360°x180° ou générée à la volée par un simulateur.

Les avantage de la VR par rapport au dôme

-Avec un tel système on peut être actif, un grand nombre d'interfaces d'action sont disponibles. Des déplacements dans la scène peuvent être possibles sur une zone plus ou moins limitée.

-On peut diriger son regard vers le bas alors que dans un planétarium, on est limité à une demi sphère qui est dirigée vers le haut. Du coup on peut visionner des fourmis en les regardant par dessus sans avoir l'impression que la scène est à l'envers comme ce serait le cas projeté sur un dôme.

-Comme on ne se limite plus vers le haut, on peut traiter plus facilement de tout dans de bonnes conditions. Un dôme, de par son orientation, se prédestine plus à afficher des nuages, des étoiles, ce qui vole ou des poissons depuis le fond de l'eau. On a des difficultés à parler d'autre chose sans que l'orientation ne pose problème si le dôme n'est pas fortement incliné.

-La logithèque y est naturellement plus étendue, surtout parce que le marché n'est pas un marché de niche comme pour les planétariums. Un particulier s'équipera plus facilement d'un système VR que d'un planétarium...

-Le marché du jeu vidéo a investi en masse ce marché qui procure une immersion accrue par rapport à un écran standard et le joueur agira plus naturellement dans la scène.

-On peut techniquement profiter de la filmothèque pleine voûte des planétariums avec un tel système, ce que certains producteurs essayent de démocratiser pour bénéficier de revenus plus faibles à l'unité mais potentiellement nombreux.

-Beaucoup de contenus jouent avec l'endroit où il faut regarder. Cela permet une dynamique et une sensation d'orientation qui est bien meilleure qu'avec une projection sur un dôme où changer la direction du point de vue du ciel pourra être pénalisante dans la reconnaissance du ciel en extérieur. A contrario, la plupart des spectacles de planétarium dit "orientés" ne nécessitent pas même de tourner la tête, toute l'action ne se déroulant qu'autour d'une direction limitée. On n'utilise pas dans ce cas la totalité de l'espace de projection.

-L'image destinée à l'oeil gauche peut être distincte de celle de l'oeil droit, il est donc possible de bénéficier de séquences en stéréoscopie. La stéréoscopie dans les salles de planétarium est plus difficile, plus coûteuse et se doit être plus lumineuse car le dispositif doit pouvoir séparer l'image pour chaque oeil, ce qui n'est jamais parfait et du coup peu de planétariums ont investi ce domaine. De toute manière, la plupart des objets astronomiques sont tellement éloignés de l'observateur que la stéréoscopie n'a pas vraiment de pertinence (contrairement à la VR).

Inconvénients par rapport aux dômes

-La proximité des écrans impose l'utilisation de loupes qui peuvent fatiguer la vue.

-Engoncé dans le casque assez lourd, il peut vite faire chaud et cela crée vite une gène.

-La résolution constatée des écrans est limitée à cause du souci de miniaturisation à l'intérieur des lunettes.

-Le système enferme l'individu dans un espace où il sera le plus souvent le seul acteur. Certaines applications collaboratives existent mais sont marginales car nécessitent une multiplication des appareils et donc ce sera souvent limitée à une utilisation des participants en connection distante en mmo (massivement multijoueur en ligne).

-Une utilisation prolongée peut donner maux de tête et vertiges lorsque le mouvement est rapide ou lors de sauts (alors que le corps ne bouge pas physiquement). Il a été constaté que les jeunes étaient moins perturbés que les adultes.

Le champ de vision de ces systèmes est restreint. C'est comme si on avait des oeillères qui obstruent la vision latérale. C'est assez contradictoire qu'un système qui se dit immersif soit si limitatif. De ce point de vue là, un dôme est bien plus immersif par l'aspect enveloppant que procure l'image.

-Le matériel pour équiper une classe entière est très onéreux, donc cela ne peut se faire que par petits groupes et à tour de rôle le plus souvent.

-L'interaction est limitée par un contenu souvent prédéfini. Il n'existe pas de simulateurs aussi poussés que ceux utilisés dans les planétariums et fonctionnant pour les systèmes VR à ce jour.

-Il est difficilement concevable d'animer une séance live avec ce genre de système car le propre de la VR est de naviguer à son propre rythme.

-Par tous ces aspects, il est difficile de partager la même expérience que son voisin et donc rien ne justifie une sortie en groupe pour profiter de cette technologie.

Les planétaristes doivent-ils s'inquiéter ?

En astronomie, on n'a pas réellement besoin de 3D car les phénomènes célestes que l'on décrit sont toujours bien trop éloignés pour que l'image vue par l'oeil gauche soit distincte de celle de l'oeil droit (en forçant le relief, on induit immanquablement en erreur sur la taille des choses). Et n'avez-vous jamais entendu lors d'une séance standard un enfant dire "c'est de la 3D sans lunettes" ? En effet, lors d'un mouvement, le cerveau est à même de mentalement induire la distance des objets et donc de reconstituer l'aspect tridimensionnel des objets qu'il visionnera.

Dans un dôme, on n'a pas d' "oeillères" contrairement au lunettes 3D ou VR à cause des zones écrans de taille limitée. Certes, ces écrans essaient d'augmenter l'ampan visuel, mais l'usage de lentilles ne permettra jamais de miracles. Du coup la sensation d'immersion dans l'image ne peut être convaincante que dans des salles hémisphériques. Et ne parlons pas de la sensation de mal au coeur que les systèmes VR peuvent procurérer à beaucoup de monde.

La carte à jouer

L'avantage majeur de cette technologie est qu'elle permet de profiter de l'énergie créatrice d'un grand nombre de personnes pour approcher notre problématique de bénéficier d'images hémisphériques : Qui peut le plus (360°x180°) peut le moins (360°x90°). Des logiciels fleurissent ainsi que des contenus en quantité et donc dans le lot on y trouve de la qualité.

Pour exemple, bénéficier de caméras fisheye pour les moteurs de rendus en images de synthèse est toujours compliqué alors qu'aujourd'hui, la plupart des modelleurs proposent des caméras VR par défaut (Cinema4D, AfterEffects, ...).

Les formats VR

De par sa jeunesse, le monde de la réalité virtuelle n'offre pas de format standard bien ficelé.

Héritant du format équirectangulaire (appelé aussi parfois sphérique ou latlong) propre au plaquage sur une sphère des modelleurs et cartes graphiques, il s'avère que celui-ci est peu performant à cause de l'inhomogénéité de résolution dont pâtit l'image. En effet, la zone des pôles est mieux définie que l'équateur. Cette meilleure résolution aux pôles peut même s'avérer catastrophique à cet endroit là car le plus souvent 3840 pixels ne sont censés ne plus en représenter qu'un, ce qui peut produire des clignotements de pixels autour des zones polaires.


De nouveaux formats émergèrent pour pallier à ces défauts, utilisant le principe des six faces d'un cube. Six carrés images jointifs reproduisent les informations visuelles dans toutes les directions en gardant une résolution relativement homogène sans artéfacts de concentration. La disposition de ces cubes étant arbitraire, les placer en croix à la façon de cubes dépliés gaspilleraient des pixels de l'image. Le format de l'illustration "cubefaces" utilisé notamment par YouTube est de loin le plus pertinent. Avec même le luxe de déformer la projection sur les bords de manière à encore plus homogénéiser la résolution sur l'ensemble de la surface.


Un autre format, dit cylindrique est apparu dernièrement. Bien qu'il soit continu sur 360°, des pertes de pixels à résolution égale sont constatées sur les parties circulaires de l'image, à cause des zones inutilisées.

Des contenus arrivent en qualité dite 8K bien que la plupart soient seulement en 4K. Attention, quand on parle de 4K, il s'agit en fait d'une image (souvent équirectangulaire) de 3840x1920 pixels. 3840 pixels pour couvrir de 0 à 360° d'azimut dans l'image et 1920 pixels pour couvrir de +90 à -90° de haut en bas. Ce qui donne une résolution fisheye comparable à du 1,2K seulement sur l'horizon, du 1,9K sur la verticale, ce qui peut être préjudiciable dans des salles dont la résolution est supérieures à 2K. Néanmoins plus on grimpe vers le centre et plus la résolution augmente avec 2,4K à 45° de hauteur parallèlement à l'horizon.

Dans le cas d'image en faces de cube, la résolution constatée est souvent 3840x2160, soit des "carrés" de 1280x1080 amenant à un fisheye de 1566 pixels de diamètre mais quasiment homogène sur toute l'image. En 8K (8192x4096), cela correspond à avoir une résolution minimale de 3260 pixels.

Les players VR pour le dôme

-Les simulateurs des grands constructeurs comme Sky Explorer de RSA Cosmos, Digistar de Evans&Sutherland, Digital Sky, Uniview et probablement d'autres gèrent le plaquage sur une sphère d'une texture vidéo.

-DigitalisMediaBrowser gère la lecture de vidéos équirectangulaires pour leurs systèmes équipés de l'Universal Console en gérant la direction de visée avec la manette Xbox.

-FishTank de ePlanetarium gère la déformation des vidéos équirectangulaires pour les systèmes à base de miroir sphérique.

-ShiraPlayer permet de jouer des vidéos équirectangulaires en tant que panoramas animés.

-SpaceCrafter dans sa version intégrant le plugin Pro de Immersive Adventure gère les vidéos équirectangulaires mais aussi les vidéos en face de cube et permet aussi de choisir l'orientation et la compression du champ de vision au Joypad.

Quels contenus pour les planétariums

La NASA propose une grande quantité de vidéos VR libres de droit comme par exemple sur l'entrainement en piscine des astronautes, la mission Juno, la récupération des cosmonautes d'un vaisseau Soyuz, Curiosity, Spitzer, ... (JPL):

https://informal.jpl.nasa.gov/museum/360-video

Voyage dans la nébuleuse d'Orion (STScI):

https://hubblesite.org/contents/media/videos/1013-Video.html?keyword=360

Stonehenge (English Heritage):

https://www.youtube.com/watch?v=_RyqU1r1Fmk

Aurores boréales en Alaska (William Briscoe):

https://www.youtube.com/channel/UCXA0I4DDGFn_0EJBmIQ_Qkw

Que s'est-il passé dans la Tunguska (Science Channel):

https://www.youtube.com/watch?v=JKm3uzL_A4c

Vision à 360° du centre galactique (Chandra):

https://www.youtube.com/watch?v=wBxW2_B9_Is

Et bien d'autres encore. Attention tout de même de demander à bénéficier de l'autorisation d'utilisation à leurs auteurs pour ce que vous en ferez car sauf pour la NASA où c'est clairement annoncé comme étant autorisé sur leur site. Il n'en est pas de même des productions privées même si elles sont proposées aux internautes gracieusement.

Conclusion

La réalité virtuelle ne jettera pas le planétarium aux oubliettes si nous prenons soin d'utiliser nos planétariums de la manière qui leur convient le mieux : des expériences communes avec un présentateur en direct qui peut adapter sa présentation aux besoins de son public. Se servir de la réalité virtuelle est un aubaine pour les planétariums qui peuvent profiter de l'émergence de cette technologie pour transcender ces contenus lors de séquences immersives impeccables pour le plus grand bonheur de leur auditoire.
Lionel Ruiz
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